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Bulletin des Anciens Élèves de l’École St Joseph de Saint-Hilaire

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Nos frères avant 1900
     A la fin du XIXe siècle, l’école des Frères, comme on l’appelle, à pour Supérieur le Frère Benjamin qui dirige le Pensionnat depuis 30 années. On l’appelle le « Bon Papa », et tellement il est affable et d’arrangement avec les familles, paternel, bon avec les élèves, ce qui n’exclue pas la fermeté dans la discipline. Il ne se laisse pas attendrir par les « exemptions » de promenade le jeudi et le dimanche.

     L’effectif des élèves est de 140 à 150. Les pensionnaires au nombre d’une vingtaine, occupent le grand dortoir du premier étage. Le frère Benjamin surveille chaque soir le dortoir de 20h30 à 22 heures en récitant son chapelet (des rosaires plutôt) en allant et venant dans l’allée centrale, jusqu’à ce qu’il soit relevé par le Frère Maximin, qui, après avoir terminé la correction des cahiers, se retire dans sa loge, non sans être passé sans bruit pour s’assurer du sommeil de chaque pensionnaire.

     Le Supérieur a une passion qu’il ne dissimule pas. Il prise et sort souvent un immense mouchoir rouge. Comme il surveille les entrées et les récréations du haut du perron, alors que deux Frères jouent dans la cour, le contenu de la tabatière dessine sur le granit un cercle qui trace fidèlement le pourtour de la soutane…
     Les lieux de promenade préférés sont : Laumondais, les bois de Miron, la Vallée, les Loges, le Bois Ferrand…

     Le certificat se passe, à cette époque, à Saint-James. Les candidats s’y rendent dans l’omnibus du correspondant Coupard… Le plus souvent, le Frère Benjamin à la joie d’annoncer à l’arrivée : « je ramène le coq… » Entendez par-là celui qui s’est classé premier du centre d’examen.

     A part trois ou quatre élèves sur vingt, les écoliers sont disciplinés et appliqués. Aux parents qui viennent s’informer de leur enfant, le Frère Benjamin est heureux de répondre, le plus souvent : « Soyez tranquille, votre enfant rend le maximum, il n’y a qu’à le laisser faire… »

     Le samedi après-midi, les élèves des deux premières classes sont rassemblés pour la lecture à tour de rôle, du latin (les Évangiles) dans leur paroissien. Puis le vicaire chargé de la direction du chant fait répéter les hymnes et antiennes du dimanche suivant.

     Le Frère Léon, fin, distingué, au visage d’ascète, chargé du cours supérieur, est l’artiste de l’établissement. L’exposé de ses cours de mathématiques et de français est clair ; il sait le rendre attrayant… Ses expériences de physique sont attendues ainsi que ses leçons d’arpentage sur le terrain…Sa ronde, sa bâtarde et surtout sa gothique rivalisent avec les caractères d’imprimerie. Il est maître en dessin d’ornement, organiste au jeu très nuancé, il sait parer à la distraction du directeur du chant…

     Il arrive que quelques « cancres » soufflent à la manière du cachalot, quand un camarade de la tête de classe reste en panne. Alors le Frère Léon se fâche. Il foudroie de quelques mots les perturbateurs et gagne rapidement sa chambre contiguë. I l revient, sans dire mot, quand il a recouvré son calme.

     Le Frère Docihée, nom barbare ‘mais ce qui importe, c’est que le serviteur de Dieu ne l’était pas), dirige la première classe. Son éveil, sa prestance autoritaire préviennent toute dissipation. Dans sa nombreuse classe de près de 50 élèves (2 rangs plus 2 tables en travers) on entend une mouche voler. Sans souffrir d’embonpoint, son teint coloré donnerait qu’il est toujours sous l’emprise de la colère. Il n’en est rien, car il est toujours très maître de lui. Il passe derrière les tables une écriture relâchée est vite redressée. Ses observations sont toujours brèves… Pas de mot inutile. La moitié des élèves arrivent avant 8 heures, soit une demi-heure avant la classe pour la récitation des leçons.

     La deuxième classe est faite par un Frère dont le nom m’échappe. Ayant sauté cette classe, le narrateur ne peut donner quelques notes sur son comportement.

     C’est le Frère Maximin qui reçoit les petits élèves à la sortie de l’école maternelle. Cette classe également très nombreuse, se tient dans le bâtiment qui donne dans la petite cour ; c’est là que se donne, le jeudi matin, les cours de dessins…Le caractère de ce Frère convient aux élèves de cette classe, car il est doux, bienveillant et presque maternel, surtout pour les timides…

     Survient la loi de 1903 contre les Congrégations. L’invraisemblable arrive…Les meilleurs sont trouvés indignes d’enseigner aux petits français. C’est au moins l’opinion des Combistes et des sectaires de l’époque. Nos Frères reçoivent notification d’avoir à cesser d’enseigner. La « dernière classe d’A. Daudet » se répète. Navrés et émus, les élèves se trouvent à la gare, une matinée de mars 1903, pour offrir des gerbes de fleurs et faire leurs adieux à ceux qu’ils aimaient comme de seconds pères. Ils partent par le train d’Avranches, alors que les larmes perlent. Ils se rendent à Brugelette en Belgique… Nous les voyons dans une attitude de froide résignation, sans extérioriser le moindre sentiment de révolte.

     D’avril à octobre, les élèves, seront regroupés par M. l’abbé Gavard ; le matin, ils jouent aux billes dans le parc du presbytère de la rue de Paris, en cours de construction : l’après-midi, ils font de longues promenades et visitent les églises et presbytères du Doyenné où ils reçoivent le plus amical accueil…

     M. Paul Carnet, avec d’anciens Frères en civil, fait la rentrée d’octobre. Aucune défection ne s’est produite. Dès le printemps suivant, M. Carnet, ancien Frère venu de Granville, croyons-nous, reçoit un ordre d’interdiction. Quelques semaines plus tard, il est remplacé par M. Béasse, ancien Frère précédemment à la Guerche de Bretagne. Comme il vient de plus loin, les mouchards ne parvinrent pas à découvrir son origine. Il nous reste pour le bien de tous et surtout pour celui des grands élèves. Il fera le cours supérieur durant plusieurs années.

     La fidélité à la mission et l’esprit de relève avaient déjoué les desseins diaboliques de la Franc-maçonnerie contre Dieu.
G.COCHOIS
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