TRES HUMBLES REMONTRANCES
à la Municipalité de Saint-Hilaire
Monsieur le maire Hyppolite PLEUTIN


Extrait du journal le GLANEUR du 8 octobre 1892


     Messieurs,

     La question des eaux a, pour notre ville, une importance capitale. Depuis de longs mois, les habitants sont presque privés d’eau potable, et les plaintes éclatent de toutes parts.

     Il faut aux femmes faire chaque jour un demi-kilomètre, la cruche à la main, attendre très longtemps à la fontaine et revenir souvent avec une provision insuffisante. Grave question, Messieurs, qui demande une prompte et radicale solution.

     Vox populi ,vox Dei ! Etes-vous donc sourds à cette voix, celle de vos électeurs ? Ne voulez-vous pas faire cesser leurs amères récriminations ? Les maris s’impatientent, les mères aussi ; les enfants crient, les bébés pleurent, et vous semblez oublier que l’eau est l’unique boisson de l’indigent.

     Prenez garde ! Si vous continuez à vous endormir dans une sécurité trompeuse, votre popularité sombrera. Déjà elle est fortement entamée, et il faut vous hâter, par des mesures urgentes, de réparer vos fontaines et de donner une eau saine, limpide et abondante à vos administrés.

     Un des vôtres, un malade, je crois, a introduit parmi vous un étranger. Je ne veux pas croire qu’en agissant ainsi, il ait songé à décerner à ses collègues un brevet d’incapacité. Non, cent fois non ! Les gens distingués ne sont pas rares à St-Hilaire, et toujours vous trouverez chez vous d’honnêtes gens et des administrateurs éclairés.

     On le dit tout-puissant, cet étranger. Nouveau Moïse, qu’il s’arme donc de sa baguette magique et fasse jaillir toutes les sources qu’il a promises ; il étanchera la soif de ceux dont il sollicite les suffrages. Aux dernières élections, les votes favorables allaient, s’amoindrissant. Qu’il y prenne garde, lui aussi, et qu’il s’empresse de provoquer d’importantes mesures ou sinon… Ne nous érigeons pas en prophète ; mais, redisons-le encore, depuis six mois et plus, la ville manque d’eau, et les plaintes de ses habitants sont pleinement justifiées.

     Vous êtes riches, Messieurs ; vous encaissez de grosses sommes ; vous donnez des fêtes ; je vous en félicite ; mais combien plus grandes seraient mes félicitations si la ville entière n’était pas contrainte de faire beaucoup de chemin pour se procurer de l’eau, cette boisson de tant d’indigents, hélas !

     Des fontaines, de nombreuses fontaines, et non des piscines, comme le demandait naguère un ingénu du conseil.

     Encore un mot, Messieurs. La critique est aisée, et jadis vous en usiez largement. Je ne songe nullement à vous en blâmer ; mais, avouez-le, vous êtes tenus à plus d’activité que vos devanciers, ne fût-ce que pour rester fidèles à vos principes.
     La ville redevient sale, les trottoirs sont encombrés et on n’y circule que difficilement. Donnez des ordres sévères ; faites exécuter vos règlements, et l’on dira de vous que vous avez fait tout votre devoir, tenu toutes vos promesses. Et alors Saint-Hilaire, la cité aimée, sera un modèle d’élégance et de propreté. C’est à ce prix, Messieurs, que votre popularité ne subira aucune éclipse

A***
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