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St-Martin-de-Landelles en 1609
On doit au chercheur granvillais Raoul Levêque (1) des
remerciements pour nous avoir transmis une analyse statistique intéressante de l'état des assujettis à l'impôt sur cette petite
paroisse en 1609. Elle complète utilement, en précédant d'une trentaine d'années, soit une génération, le
livre de raison (1641-1649) de Jean Massé Bois-Grallon (2), auquel nous avons consacré trois pages en
ce début d'année. Et il y a même fort à parier que le Jehan Massey titulaire de 22 vergées, deux maisons
taxé à 13 sols et 7 deniers (3) soit son père, tant la propension était forte à l'époque de prénommer
pareillement père et premier fils. S'il y a en effet 7 Massé ou Massey cités dans le rôle (Mathurin, René, Gilles, Robert) il
n'y a qu'un seul Jehan. On y retrouve aussi nombre de noms de familles citées un peu plus tard sous des orthographes changeantes
il est vrai : des Corbes pour les Corbet, et de trop nombreux Paultier (11 !) pour le seul Pautret, laissant à penser qu'il
s'agit bien de la même famille.
L'étude de Raoul Levêque mettant en perspective trois périodes fort éloignées dans le temps (1609, 1946, 2008) montre l'incroyable distorsion du monde agricole sur quatre siècles. En 1609, la surface totale cultivée n'est que de 1893 vergées (4) soit 383 hectares, ce qui est fort faible face à la surface de la paroisse qui est de 1991 ha (5). Ce qui s'explique par les nombreuses jachères et landes (qui ont d'ailleurs donné leur nom à la paroisse comme à celle voisine de St-Brice) et de bois au nombre d'une douzaine ! Sur les 165 maisons recensées, 128 sont assujetties à l'impôt, une sur deux étant assortie d'un "Jardin" que l'on retrouve d'ailleurs souvent dans la toponymie locale. La surface la plus courante se situant autour de 3 vergées. De ce nombre de "feux" on peut en déduire une population oscillant entre 700 et 850 habitants (6), beaucoup plus socialement mélangée que de nos jours. Cet état montre qu'il y a deux "advocats", trois "prêstres", mais le journal de Jean Massé nous a montré que vivaient en campagne, le plus souvent à mi-temps, des carriers, des tabellions, des tailleurs, des cuisiniers. Jean Massé qui lui même était un notable (assesseur à la taille, sorte de conseiller municipal avant l'heure) chirurgien-saigneur, et propriétaire terrien, ne dédaignant pas à ses heures comme on l'a vu dans son héritage, jouer les charpentiers-couvreurs à l'occasion. L'examen des barèmes de redevances montre un calcul qui s'explique de manière quasi mécanique pour 66% des assujettis : la vergée était taxée 3 deniers, et douze vergées (2,4 ha) valaient une maison ! Ce qui peut surprendre par rapport à notre époque où il faut notoirement vendre beaucoup plus de terre pour faire construire. Mais, à cette époque, on le comprend, la terre faisait implicitement vivre, et les maisons, il est vrai, étaient beaucoup plus rudimentaires que de nos jours, ce qui explique leur moindre valeur. Les plus assujettis Jehan Larcher (90 verges une livre 4 sols) et Gilles Paultier (101 verges, 1 livre 7 sols) payaient à eux seuls 25 % des impôts de la paroisse et disposaient de 9 % de sa surface agricole, à côté d'autres menus biens : 3 maisons, prés, bois, et surtout deux moulins à tan qui fonctionnaient plus bas, sur la Sélune. Une vingtaine de paroissiens disposaient autour de 30 vergées, c'était la partie la plus aisée de la population qui avaient simultanément leur maison, mais aussi terres arables, prés et bois, et que l'on retrouvait régulièrement au syndic de la paroisse. Les Massey étaient tous propriétaires d’une à trois maisons, et on y retrouve tous les patronymes du journal si intéressant à suivre une trentaine d'années plus tard : les Pigeon ou le Pigeon y sont cités 15 fois, les Gazengel 13, et tant d'autres Sillard, Chartrain, Gontier, Lemonnier, Chesnel. Quinze de ces patronymes existant en 1609 se retrouvaient même en 1946, et il n'est que de feuilleter l'annuaire de cette année, pour se persuader qu'il fait sans doute bon vivre en Normandie, tant les familles y font souche à tant de siècles d'écart !
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