Bon appetit

     Dans la vie, il y a les bons et les mauvais moments. Oublions donc ces derniers pour ne retenir que les bons.

     Et les bons moments, d’où les tenons nous donc ? Certains vous répondront : de la musique, du théâtre, du cinéma.

     D’autres passeront de bons moments à la chasse, à la pêche, à la piscine, à la mer, à la montagne, sous les pommiers etc… etc… Tout compte fait, il y a beaucoup de bons moments dans une vie.

     Mais il est un plaisir qui se retrouve à toute époque, qui se pratique dans chaque maison, c’est assurément celui de la table. Toute fête, toute cérémonie se conclue autour de la table. C’est l’endroit convivial par excellence, où l’on aime se retrouver. Toute bonne association ou société organise une ou plusieurs fois par an, un banquet, un repas dansant ou amical… C’est ainsi depuis longtemps et on n’imaginerait pas une communion ou un mariage sans un bon repas, et tout ce qui va avec : les chansons, les danses, les histoires drôles et … moins drôles. Pour résumer l’affaire, il n’est que de s’en référer à ce vieux dicton qui affirme : ‘’ La gaieté vient du ventre ‘’

     Par contre, et comme le dit aussi la maxime ‘’ autres temps, autres mœurs’’, dans ce domaine aussi les choses ont bien changé.

     De nos jours, avec une entrée, un plat de poisson et un de viande, nous sortons de table repus ; c’est tout juste si nous avons encore de la place pour le dessert.

     Mais si nous prenons le temps de nous pencher sur les menus conservés par nos aïeuls, nous pouvons nous demander si nous avons, nous, des appétits d’oiseaux ou si ceux qui nous ont précédé étaient des ogres.

     A titre d’exemple, je vous invite à prendre connaissance d’un compte rendu (abrégé) d’excursion effectuée le 14 juin 1908 par l’Association des Clercs de Notaire de Rennes et sa région – excursion qui mêlait tourisme et gastronomie (les deux allaient souvent de pair)

     Ce petit voyage d’une journée emmenait nos Clercs de notaire dans le Golfe du Morbihan avec croisière sur la rivière Auray, en bateau spécial. Le rédacteur de la petite brochure éditée pour narrer ce voyage nous explique qu’au point du jour, 25 clercs de notaire se trouvaient en gare de Rennes pour le départ.

     Il avait été décidé que l’on déjeunerait dans le train, et ce fût un véritable régal qui contribua à mettre tout le monde en gaieté.

     A Vannes, après avoir retrouvé les camarades arrivés la veille, tout le monde embarqua sur le bateau à 8h30 par un temps brumeux accompagné d’un vent frais et d’une pluie fine faisant mal augurer de la journée et qui obligea plusieurs passagers à descendre dans les cabines très confortables. Devant les yeux de ceux restés sur le pont, un chapeau ‘’ sauvage ‘’ quitta la tête de son propriétaire. Immédiatement : arrêt du bateau, une chaloupe quitta ses palans avec deux hommes souquant avec force et dans les dix minutes, le chapeau sortit de son bain et retrouva son propriétaire ! (ferait-on la même chose pour un chapeau aujourd’hui ?)

     Après moult détails concernant les visites de Port-Navalo et Locmariaquer, notre narrateur nous indique que le temps devenant clément, ils purent apercevoir l’hôtel des Iles où devait se faire le déjeuner, ajoutant que sa vue fût saluée d’acclamations car le grand air salin avait creusé les estomacs.

     C’est donc avec empressement que chacun se dirigea vers le restaurant où le déjeuner suivant les attendait :

Potage julienne

Hors d’œuvre variés

Homard à l’américaine

Fricandeau aux champignons

Poulet chasseur

Petits pois au beurre

Gigot de pré salé cresson

Salade

Bombe glacée

Fromage – dessert

Vins : Graves – Médoc – Mâcon –Champagne

     L’ambiance était bonne – paraît-il –quand sur les trois heures, tout le monde reprit le bateau. Pour certains, il y avait apparemment un peu de vent dans les voiles….
Le temps était devenu très beau pour visiter l’Ile aux Moines et la Ville de Vannes, dernière étape avant le retour.

     C’est là, qu’avant de prendre le train, avait lieu de dîner qui consistait en :

Potage aux pâtes

Merlu sauce crevette

Bouchées financières

Rosbif béarnaise

Asperges sauce mousseline

Poulets de grain rôtis

Salade de saison – fromage

Moka – fruits – desserts

- avec cidre – vin blanc – vin rouge

     Il y a encore plus d’ambiance que le midi, commente le rédacteur, le repas est délicieux et M. Jean le complète en offrant à tous deux rasades de vin fin ,suivies d’un petit verre ‘’ d’esprit religieux ‘’ c’est-à-dire de la bénédictine.

     Et d’ajouter : c’est en chantant qu’on s'achemine vers la gare, et une ronde s’improvise dans la cour. Dans les wagons, l’entrain règne toujours et voici Redon : une demi heure d’arrêt. Tout le monde change de train .Il est alors décidé que l’association va offrir un punch et le buffet de la gare s’emplit ; mais la journée a été longue, les têtes sont un peu fatiguées ; c’est pour cela que Lenormand s’exclame : soyons gais Messieurs soyons gais ! A cet appel, les conversations se renouent, et jusqu’à Rennes personne ne songe à céder au sommeil. Le temps passe vite, et nous voici rentrés tous intacts, en la vieille cité Rennaise.

------------ Fin du récit ------------

     Comme vous aurez pu le constater, ils avaient bon appétit nos Anciens et si de quelques mots, je devais conclure, je dirais assurément : Quelle santé !