Correspondance Datin

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     C’est dans sa lettre du 4 novembre 1834 qu’il écrit: "J’ai été indisposé depuis le 15 du mois dernier jusqu’au 30 par un violent mal de tête et de cou. La douleur était si grande que j’avais la bouche vis-à-vis l’épaule gauche. Le médecin est venu me voir par trois fois. Il m’a ordonné différentes choses, entre autres 30 sangsues pour m’appliquer sur le cou. Dieu merci, à présent je me porte bien……
     J’ai acheté un petit baril de 64 bouteilles de vin qui m’a coûté 4 francs. L’eau de vie vaut 1 franc la bouteille; il faut 4 barriques de vin pour en faire une d’eau de vie.
     Depuis le 1er de ce mois je suis à La Digue, poste charmant où il n’y a rien à faire, près les plus belles promenades de La Rochelle, dans l’endroit le plus divertissant car toute la belle société se rend là par rapport aux bains de mer qui s’y trouvent et dans lesquels il y a tous les soirs la musique et la danse.
     Le poste que j’enviais depuis longtemps m’a été accordé. On peut bien dire que là, on ne fait rien devant midi, et l’on se repose après. Je ne regrette aucunement Lauzières. "


     Apparemment, cette vie de fonctionnaire lui convenait parfaitement au Julien, mais une mutation a mis fin à cette vie de rêve car son courrier en date du 22 juillet 1835 fait état d’une mutation à Rochefort avec des appointements de 50frs.. Ses commentaires sont les suivants:
     "Cette ville est charmante, ses rues qui en sont très larges et droites et son port de guerre la mettent au rang d’une des plus belles villes de France, mais très malsaine par rapport à sa rivière qui est très sale, ce qui le matin donne une odeur très désagréable et empeste tous les environs. surtout d’un temps de chaleur.
     C’est ici où existe le bagne ou galère où sont détenus et où travaillent les galériens les plus criminels qu’il y ait en France. Je vais vous donner une petite explication là-dessus.
     Je n’entrerai point dans la discussion des peines appliquées aux crimes; un bon mouvement de nature nous porte à ne voir qu’un homme dans un condamné; notre âme se révolte contre les tourments qu’il endure à l’aspect d’une humiliation dont il est abreuvé; le poids de sa chaîne nous accable. Mais avant d’accuser la société du châtiment qu’elle inflige, il faudrait entendre le cris d’une famille frappée dans un de ses membres par le fer de l’assassin. Au bagne, je vois tous les jours le criminel, je m’apitoie sur son sort, mais me dis-je, lui a-t-il été ému par les prières, par les supplications de sa victime qui lui demandait en grâce de ne pas l’achever ? Ces tristes réflexions me font frémir d’horreur. Ces malheureux qui sont au nombre de 1400, dont la plupart n’espère plus se voir en liberté sont accouplés deux à deux par une chaîne de 14 livres qui leur prend au bas de la jambe où est adapté un anneau ou manille qui pèse encore 3 livres et, dans cet équipage on les emploie aux ouvrages les plus pénibles Ceux qui, par leur travail, leur bonne conduite se font remarquer, on les découple et on leur ôte leurs chaînes mais ils gardent toujours leurs manilles et on les emploie à des ouvrages moins pénibles qui sont exécutés sous la surveillance d’un garde chiourme. Aussitôt que l’évasion d’un forçat est connue, trois coups de canon la signalent. Si le forçat est repris avant les trois coups de canon, il reçoît la bâtonnade et si l’évadé est repris après le signal, il est condamné à une prolongation de 3 ans, et si le galérien estcondamné à perpétuité, il est jugé à 3 ans de double chaîne. Dans ce cas, sa chaîne pèse 28 livres. "




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