La Reconstruction
(extrait du livre « Saint Hilaire au fil du temps » disponible à l’Office de Tourisme de Saint-Hilaire)
Page 1
     Dès le dernier trimestre de 1944, Saint-Hilaire avait mis en place les premiers éléments de sa reconstruction. Encore fallait-il opter pour une idée directrice. Elle fut donnée, très clairement par le Dr Cuche « la place Nationale restera toujours le nœud vital de la cité reconstruite. Autour d’elle, les rues devront être remaniées pour rendre le centre de la ville plus accessible ». Ces critères régissent encore aujourd’hui les voies de communication de celle qu’il sut appeler d’un terme qui jusqu’à nos jours fait encore florès : la « ville de la campagne ».

     Avant sa destruction, Saint-Hilaire était déjà la cité active que l’on connaît au carrefour de trois provinces et surtout de deux grandes routes : l’axe Paris-Brest et Caen-Rennes. Les jours de marché la circulation devenait fort compliquée : les rues étaient envahies d’étals et de marchands forains, les places regorgeaient de bestiaux, porcs, moutons, cagettes à cochons, une situation ne manquant pas de pittoresque certes, mais qui risquait à la longue, d’étouffer le commerce local. A quelque chose malheur est bon, contrainte à la reconstruction, la ville s’attela donc courageusement à la tâche.

     Du courage, il en fallait effectivement car tout le centre n’était en cet automne 44, qu’un amas de ruines. Seuls subsistaient des pans de murs, et des cheminées, sinistres sentinelles représentant un danger et qu’on abattait très tôt avec un madrier placé obliquement à la base et poussé par un cric. Les déblaiements avaient lieu à la pelle et à la pioche, et avec les premiers engins aujourd’hui familiers mais qu’on découvrait alors : pelleteuses, bulldozers.

     Saint-Hilaire n’avait plus d’électricité, et très vite les artisans électriciens de la localité se mirent au travail pour se relier au barrage de Vezins intact, et on imagine la joie de tous en cette fin d’automne quand ce cri se répandit comme une traînée de poudre « il y a du courant » !

     C’est à cette époque que les commerçants ont été installés dans deux longues baraques en bois de type cantonnement militaire implantées place des Halles face au magasin Lambert, et une troisième rue du Château « chacun de ces baraquements, se souvient R. Charlot, comportait un couloir longitudinal dans lequel circulaient les clients et les boutiques étaient disposées de part et d’autre, chacune étant éclairée d’une fenêtre. Très tôt, un ou deux commerçants ont donné à leur magasin un aspect plus avenant en remplaçant la paroi extérieure par une devanture, les clients entrant ainsi directement de l’extérieur. Ils ont peu à peu été imités par tous, et le couloir médian, devenu le fond de la boutique a servi de surface de rangement pour les deux magasins ainsi maintenant disposés dos à dos »..

     Ravitailler, reconstruire, reloger, telle fut donc bien la mission de la Délégation Spéciale que nous avons vue désignée au chapitre précédent. En mars 1945, la parution du « marché dans les ruines » donna donc les grandes orientations confirmées lors des élections qui suivirent (29 avril et 13 mai) formant (le 20 mai) le premier conseil municipal de l’après-guerre. On y retrouvait autour du Docteur Cuche beaucoup des anciens membres de la Délégation Spéciale : Armand Papin (1er adjoint), Charles Jaunet (2ème adjoint), Victor Rogine (3ème adjoint), Anatole Angot, Madeleine Blouet, Henri Charles, Eugène Cheval, Louis Desloges, Jeanne Lehec, Georges Lemoussu, mais aussi des nouveaux édiles : Louis Jéhan, Louis Dudognon, Louis Lainé, Louis Lefort, André Martel, Pierre Simon, Léon Thoury, André Yver, Maurice Moulin et Marcel Lemarchand.
     Le 8 mai, l’église étant, on l’a vu, réduite à ses murs, ce fut la cloche du couvent des clarisses qui sonna la fin de la guerre.

     Le 10 juin, la ville sinistrée reçut la visite du plus prestigieux des Français, le Général de Gaulle, accompagné du ministre de la reconstruction Raoul Dautry, ce dernier se montrant assez pessimiste puisqu’il estima qu’il faudrait plusieurs générations pour relever les murs ! Sous l’impulsion du Docteur Cuche, Saint-Hilaire, qui avait pris les devants, faisant arpenter les ruines et sollicitant toutes les aides possibles, lui offrit aussitôt un cuisant démenti, faisant inaugurer par le héros de la France Libre (au 21 Boulevard Victor Hugo) la première maison relevée. Le Général de Gaulle sut noter le symbole « c’est en toute confiance que la France voit repousser sa fille Saint-Hilaire et c’est en toute confiance que vous tous, enfants de Saint-Hilaire, voyez renaître votre ville au milieu de la France qui renaît ».
464 466
     En septembre, débutent les travaux de mise hors d’eau de l’église qui seront terminés en mars 47. En restaurant l’église, M Delaage, architecte des Monuments Civils et Palais Nationaux lui donnera un caractère original de gravité et de religion qui l’apparente à quelque abbatiale cistercienne, les vitraux de J. Le Chevallier y dispensent une mystique lumière, l’aménagement du chœur et du sanctuaire y permet les plus solennelles liturgies et sur les murs du déambulatoire Fanny Delaage y peindra le chemin de croix.

     Toujours la même année, les premières maisons doubles du bas de la rue de la République sortent de terre et seront livrées en juin 47. On démonte pour la reconstruire, l’aile gauche de l’hôpital.

     1946, le plan d’urbanisme du centre ville par l’architecte Delaage est adopté et un service municipal du logement est créé.

470


     Cette année 1946 s’ouvre alors dans un contexte difficile car les Saint-Hilairiens retombent avec passion dans les querelles politiciennes d’avant-guerre. Le projet de rattachement du quartier de la Rivière en Parigny et celui de la place du marché sont autant de pommes de discordes bien mises en exergue l’année suivante par le renouvellement du conseil municipal qui marque la fin de l’immédiat après-guerre.
     Trois listes seront en présence : Cuche - Feillet -Tardif. Daniel Cuche passera 12 noms sur 21, mais obtiendra sur son nom 19 voix comme maire, tant il est vrai, qu’il est l’artisan sinon le moteur d’une reconstruction menée tambour battant.

     En 1947, débute l’ère des grands travaux de reconstruction, 180 ouvriers logent rue d’Égypte pour le compte de l’O.N.C.O.R, le pont de la Paveille est remis en état, des baraques logement sont implantées Bd Gambetta (5 baraques) cité des Fleurs, la Croix Chicot face au cimetière (11 baraques françaises et 8 canadiennes) 20 maisons d’État sont achevées cité Lebreton et 3 doubles route d’Avranches. Deux baraquements sont implantés, l’un à l’entrée du jardin public pour héberger des élèves de l’école publique et l’architecte Delaage et l’autre place de l’église.
495_03 495_08
     On circule partout (le pont de la Paveille a été rouvert le 15 septembre 1947.

     L’église est recouverte sur une charpente reconstruite en béton armé

     On prévoit 200 millions de francs de travaux et la sortie de terre du premier îlot prioritaire de 20 immeubles rue W. Rousseau et place Nationale. La première pierre en est d’ailleurs posée le 1er mai 1948, la cité Lebreton est inaugurée le même jour par le Préfet Lebas.

479


     La visite le 21 mai du Ministre de la Reconstruction, Monsieur René Coty met en lumière la pénurie de matériaux qui frappe alors une France complètement sinistrée. L’Association Syndicale de Reconstruction est créée le 31 mai et quelques jours plus tard, le 7 juin le Président de la République Vincent Auriol fait une courte visite dans notre cité.

     En mai 1949, un mois après la fondation du Syndicat d’Initiative, l’îlot numéro 1 est bien avancé. 50 immeubles en tout sont en chantier dans les 4 îlots du centre ville. La construction du groupe scolaire public ranime les passions de la guerre scolaire avec d’ardents militants des deux bords et cette année voit aussi le lancement de deux grands chantiers, dont on reparlera : l’achat des terrains Leplingard près de l’hôpital qui, avec une aide ministérielle de 23 millions, va permettre au centre d’apprentissage créé en octobre 1948 de se transformer en Centre Public d’Apprentissage de Mécanique Agricole. 240 élèves y sont attendus pour son ouverture en 1952.

     L’autre gros dossier, c’est l’acquisition de la distillerie de Parigny pour y construire un abattoir régional dont les chiffres prévus laissent rêveurs : 50 bœufs, 200 veaux, 300 porcs, 100 moutons, devront y être abattus chaque semaine !

     Au printemps 1950 débute les travaux de reconstruction du presbytère. Au 1er octobre on inaugure la nouvelle place Louis Delaporte. Celle-ci succède à l’ancienne place des Halles, effacée par les constructions neuves, qui se situait dans l’angle formé par les actuelles rue Pontas et rue du Bassin. Bâtie sur un garage transféré rue de Paris (garage Bouleau), des jardins, des écuries, des entrepôts, elle marque l’extension vers le Nord et l’Est, au dessus de la Sélune des commerces et des services en un nouveau quartier qui n’existait pas avant-guerre.

     Saint-Hilaire a entamé la moitié (34.800 m2) de sa reconstruction et le grand quotidien régional n’a pas tort d’affirmer le 22 mai « qu’on avance à pas de géant ». On vise l’achèvement des travaux en 1955 et au 31 décembre 1951, les 4/5ème de la reconstruction sont entamés, mais devant la montée en flèche du prix des loyers, les petits sinistrés hésitent encore à abandonner leurs baraques où ils ont maintenant pris leurs habitudes.

     Le 7/08/1952, les paroissiens retrouvent enfin leur église et ses cloches.

     Le dynamisme de la reconstruction si patent a au moins un effet bénéfique, en 1953, il n’y a plus qu’une liste aux élections municipales, les rivaux d’hier rejoignent la majorité et il y a une belle unanimité sur les priorités : fin du logement et de la reconstruction du centre ville.

Page 1   Page 2   Retour au Menu
Vous êtes le
ème
à visiter cette page