" Lorsqu'en 1834 vers minuit, je partais de la maison pour me rendre à La Rochelle, j'avais peu d'espoir de parvenir à une place aussi élevée,
mais aussi, je n'eus jamais pensé aller aussi loin. On ne connaît pas les décrets de la Providence, car il y a deux ans j'eus beaucoup d'ennui suscité par des dénonciations qu'avaient faites contre
moi mes ennemis que j'ai, grâce à mon bon droit vaincus. Aujourd'hui, je m'en vais, laissant des regrets, beaucoup de jaloux et quelques amis.
Embrassez-vous tous à mon intention
Ma femme et mon enfant qui est toujours un des plus beaux qu'on puisse voir se portent bien et se joignent à moi pour vous embrasser de tout cœur . Mes compliments
aux connaissances et mes amitiés à la famille.
Et vous bonne mère d'une angélique vertu, n'oubliez pas vos enfants, priez quelquefois pour eux, demandez à Dieu de les conduire à bon port car ils en ont besoin.
Votre tout dévoué fils. "
Ce n’est que le 10 mai 1848 qu’il reprend la plume pour écrire à ses parents depuis SAINT DENIS, ILE BOURBON :
" Votre lettre du 15 décembre dernier m'est parvenue le 13 avril suivant; vous dire la peine qu'elle m'a causé c'est vous faire connaître combien
j'ai pris part à la maladie que vous avez essuyée le 8 septembre car quoi de plus malheureux que de voir ou d'apprendre que les siens ont souffert et quelles douleurs, grand Dieu! Vous avez du éprouver
cher père pour qu'elles vous aient fait perdre un oeil ; rien que d'y penser cela me fait frémir ; ménagez vous donc; vivez longtemps et ne travaillez pas tant, car que vous nous laissiez un peu plus
ou moins de fortune, cela ne peut avoir d'influence sur le coeur de vos bons enfants qui désirent plutôt que vous dépensiez quelques centaines de francs de Plus par an pour payer et nourrir un domestique
qui puisse vous remplacer que de vous voir un instant malade. Moi-même et ma chère épouse nous avons éprouvé bien de la peine, notre enfant chéri ayant été atteint de la dyssenterie, maladie bien funeste
ici, nous avons craint de le perdre; il va un peu mieux aujourd'hui mais il n'est pas encore entièrement rétabli.; nous avons passé à le veiller des nuits bien cruelles, car chers parents, les domestiques
qui sont à notre service étant esclaves, ne portent aucune affection à leurs maîtres qui peuvent les vendre ou les louer à volonté. Leurs gages ne leur appartenant pas, ils ont seulement le droit à 2
habillements par an et à la nourriture; malgré cela, ils sont généralement plus heureux que nos pauvres fermiers de France, lesquels, après avoir cultivé les champs appartenant à leurs propriétaires ne
peuvent avec les récoltes en payer les fermages. Vous me demandez le nombre d'habitations dont l'Ile Bourbon est peuplée ; ayant la statistique sous les yeux, je puis facilement vous satisfaire:
Population libre ..........................................40433 Individus
Population esclave........................................62151
La garnison étant de .................................1748 soldats
Les employés du gouvernement ..................259
Les indiens et les chinois de .........................2334
Esclaves propriété du gouvernement.........182
La population flottante évaluée à ...........941
On aura pour chiffre total de la population......108048 habitants
Certainement nous avons des prêtres qui nous disent la messe et qui confessent les personnes qui veulent aller s'humilier de leurs fautes. Vous croyez donc qu'à 4000 lieues
de la France on ne trouvait plus de peuples civilisés – hélas Bourbon jouit de ... "
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