Correspondance Datin

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     " Embrassez pour moi ma bonne mère, ma soeur, ses chers enfants et son mari. Ma femme et mon joli petit garçon se portent bien et se joignent à moi pour vous embrasser tous tendrement. Votre affectionné fils.
     Comme il est à croire que je ne reviendrai pas d'ici longtemps en France, si vous m'envoyez 500 frs, je vous ferai parvenir une quittance générale de tout ce que vous m'avez promis. Choisissez les diligences Lafite et Caillard ou les messageries royales pour me faire cet envoi. J'aurais bien voulu vous demander des conseils au sujet de ces avancements, mais j'ai été forcé de répondre courrier par courrier."

     En fait, ce projet n’aura pas abouti, car, nous dit Julien : cet emploi qui m’avait été offert a été donné à un protégé de Mr le Ministre de la Marine et toutes mes belles pensées d’avenir se sont évanouies.

     Encore une année d’attente, et c’est dans un courrier daté à Rochefort du 12 décembre 1846 qu’il annonce :
     " Hier, j'ai reçu l'avis de ma nomination à l'Ile Bourbon, j'étais bien loin de m'attendre que le Gouvernement me donnerait un avancement aussi éloigné, car il faut de 3 mois à 3 mois ½ pour s'y rendre, c'est-à-dire qu'il faut faire près de 3.000 lieues. Cet avancement inespéré me cause de la peine puisqu'il me met dans l'impossibilité de vous voir avant mon départ , attendu que je puis partir tout prochainement. Donnez-moi donc de vos nouvelles de suite. Embrassez vous tous à mon intention et dites à ma soeur qu'elle fasse instruire convenablement son cher Victor pour que je puisse, lorsqu'il aura satisfait, le faire venir avec moi . Je le guiderai et lui servirai de père. Le voyage que je vais entreprendre est des plus dispendieux ; si vous ne m'aviez pas retiré un peu votre tendresse ,j'aurais espoir que vous m'eussiez envoyé un acompte sur ce que vous m'avez promis, ne fusse que 100 francs."
     L'année dernière j'avais manqué de partir pour Cayenne, mais aujourd'hui mon changement étant prononcé, je vous prie de ne pas trouver mauvais que je l'accepte, car il y va de mon avenir ainsi que de celui de ma petite famille qui se joint à moi pour vous embrasser de tout coeur.
     Votre bien dévoué fils.
     Mon départ de France que j'attends tous les jours peut avoir lieu vers la fin du mois. Mon adresse est toujours : employé des douanes à Rochefort ( Charente Inférieure ) "


     Et dans celui daté à Bordeaux le 22 janvier 1847 qu’il précise :

     " Je suis arrivé lundi dernier à Bordeaux où nous avons été reçus par des parents de ma femme on ne peut mieux. Nous devons partir par le navire Jeanne Dumas pour Bourbon la semaine prochaine. Que Dieu veuille que nous soyons rendus dans le commencement de mai et je serai bien content. Quelle pénible existence que d'être ballotés par les vents et la tempête sur l'eau pendant 3 mois car le voyage que j'entreprends avec ma famille est de 3500 lieues- distance énorme qui me séparera de la France. L'endroit où je vais est plus loin que le midi, c'est-à-dire que je passe sous le soleil et qu'au -delà de cette ligne se trouve le petit morceau de terre que je dois habiter, situé au milieu de la mer sous un climat délicieux où les arbres sont toujours verts, mais où, par conséquent ,il fait toujours chaud.
      Lorsque l'on est employé du Gouvernement on est bien obligé d'aller où il vous envoie ; je conçois que c'est un peu loin mais il ne donne pas une place de 3000 frs au premier venu et il choisit encore ses sujets. Mais mes chers parents, quelle que soit la distance qui nous sépare, il ne faut pas perdre espoir de nous revoir ; vous n'êtes pas assez âgés pour que ce bonheur me soit ravi. "




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