... J'ai manqué de perdre mon enfant par suite de dyssentrie ; actuellement il va bien ainsi que sa mère et moi. Puisse-il en être de même de vous
mes bons parents.
Si le commerce était anéanti, par conséquent nous n'aurions que très rarement des relations avec la France et vous resteriez longtemps sans recevoir de nos nouvelles. Car ici,
nous avons tout à craindre, on peut devenir prisonniers des Anglais ou mourir de faim, la Colonie étant presqu' entièrement cultivée en canne à sucre.
Ma femme et Jules se joignent à moi pour vous embrasser et vous dire que nous sommes pour la vie vos dévoués enfants qui désirent bien vivement revoir leurs parents.
Ecrivez-moi souvent et longuement. Mon adresse est maintenant, la République ayant changé le nom d'Ile Bourbon :
lieutenant des douanes à l'Ile de la Réunion par Nantes. "
ILE DE LA REUNION, le 17 février 1849
" J'ai reçu le 24 janvier votre lettre du 4 octobre. Vous dire la joie qu'elle m'a causée en m'apprenant que vous êtes tous en bonne santé, ce ne
serait que vous témoigner la reconnaissance que tout bon fils doit avoir envers ses parents; mais, chers père et mère, la réception de cette bien aimée lettre, écrite sous le toit paternel a été pour *
nous tous une véritable fête de famille; car depuis longtemps nous étions privés du bonheur de de vos nouvelles, ce qui nous causait beaucoup d'inquiétude, parce qu'il aurait pu vous arriver, dans ces
moments de révolution, quelques accidents qui auraient mis en danger des jours si précieux à conserver. La providence vous aura préservé des secousses et émotions que ces révolutions ont occasionné partout
en France qui doit être actuellement en paix et qui, je l'espère, deviendra riche et belle- que dis-je, reine de la civilisation et son "peuple le premier du globe.
Nous avons nous aussi sur ce petit morceau de terre perdu au milieu de l'océan Indien éprouvé une transformation sociale complète : le 20 décembre on a donné la liberté à
66000 esclaves qui depuis un temps immémorial étaient plongés dans la servitude ; mais qui par leur travail faisaient vivre une grande quantité de blancs qui se trouvent actuellement dans la misère car
ces personnes peu habituées au travail ne peuvent que difficilement supporter la fatigue sous un climat brulant et se trouvent ainsi privées d'apporter un adoucissement à leur existence. Sans doute c'était
contre nature de voir un autre homme posséder ses semblables et en disposer à sa volonté comme de sa propriété , mais cet état de choses existait depuis plus de 3 siècles et l'on avait fini par s'y habituer ;
on disait : la race noire doit servir les blancs et tout était fini. Aujourd'hui que cette race est devenue citoyenne et qu'elle jouit de sa pleine et entière liberté, il est difficile de se procurer des
domestiques qui ,au reste vous servent tout de travers et font tout ce qu'ils peuvent pour vous contrarier
Nous avons un volcan dans l'île qui continuellement vomit des flammes. "
SAINT DENIS, ILE DE LA REUNION le 23 juin 1849
"J'ai reçu avec beaucoup de plaisir votre lettre du 10 décembre dernier qui m'a appris que vous étiez en bonne santé. C'est une grande consolation,
au milieu de tous les bouleversements qu'a éprouvé notre patrie, que de savoir au moins que mes bons parents se portent bien. Sans doute le commerce et l'industrie ont dû se ressentir de toutes ces
commotions politiques ; le gouvernement provisoire n'a pas peu contribué par ses actes à ce facheux état de souffrances générales. C'en était fait de notre belle France si le bon sens naturel de ses
habitants n'avait pas choisi pour Président de notre jeune République, un homme qui joignit à un grand nom les qualités éminentes...
|