...n'ai pris ni couturière, ni qui que ce soit pour faire les ouvrages d'aiguilles. J'ai toujours pensé que la femme, digne compagne de
l'homme perdait de son aménité, de ses prévenances lorsqu'on exigeait trop d'elle ; dès lors, ne trouvez pas mauvais que , pour le moment je fasse tout pour éviter le plus qu'il me sera possible,
le moindre désagrément à ma bien-aimée. L'homme est né pour le travail et la femme faite pour le consoler dans ses peines. Depuis mon mariage, je n'ai rien exigé d'elle et si Dieu me laisse vivre,
j'espère qu'elle sera toujours aussi heureuse. A l'avenir, j'éviterai de vous entretenir de semblables sujets dans la crainte de vous contrarier. "
ST DENIS le 18 février 1850
" Je profite de la première occasion qui se présente pour vous écrire. Comme le navire qui porte ma lettre en France est un des premiers marcheurs
de "la marine française, j'espère que vous recevrez des nouvelles de vos enfants avant 3 mois. Je me porte toujours assez bien ainsi que Jules qui écrit et lit passablement mais ma pauvre femme est
souffrante depuis quelques mois, cela tient un peu, je crois à son état de grossesse qui doit encore se prolonger environ 3 mois. Si Dieu voulait lui donner une fille cela la dédommagerait de ses souffrances
et comblerait ses désirs.
J'ai demandé au Ministre de la Marine mon rappel en France avec avancement ,mais je ne sais pas si je pourrai l'obtenir, ne connaissant plus personne qui puisse m'être
utile dans cette circonstance. La colonie a toujours joui d'une tranquillité parfaite. Les événements de la mère patrie n'ont eu pour résultat que l'émancipation de la race noire. Le commerce reprend;
la récolte en sucre est abondante. Elle dépassera 60.000.000 de livres; le café, le girofle, la vanille et la muscade sont également abondants.
Mes amitiés aux personnes de ma connaissance. Embrassez pour moi ma bonne mère ainsi que ma soeur, son mari et ses chers enfants.
Je suis votre dévoué fils qui vous embrasse de tout coeur. "
ST DENIS, ILE DE LA REUNION le 10 juin 1850
" Je n'ai reçu que le 27 mai dernier votre aimable lettre du 26 décembre 1849, c'est à dire après 5 mois de son départ de ma chère Gresmanière
que j'espère revoir dans 2 ans au plus tard.
Comme toujours, j'apprends avec une joie indéniable le nouvelles du pays mais surtout ce qui est relatif à votre santé qui à l'époque où vous m'écriviez était parfaite ;
que Dieu veuille vous conserver longtemps dans cet état.
Ainsi que je vous l'avais annoncé, ma femme était enceinte; elle m'a par conséquent rendu père pour la deuxième fois en me donnant une jolie petite fille le 27 avril
dernier, à laquelle sa marraine a donné le nom d'Angélina. Elle n'est point encore baptisée parce qu'il est d'usage dans le pays de ne sortir les enfants que lorsqu'ils ont au moins 40 jours, dans
la crainte qu'ils n'attrapent du mal. Pour son âge, cette petite fille est fort intéressante. Les enfants ici viennent vite, le froid ne les retarde pas comme en France. Ma femme est assez bien
remise de ses couches et tout le monde se porte assez bien.
Le commerce est ici toujours languissant ; néanmoins tout se vend assez bien surtout les tissus dont les anciens esclaves font actuellement une grande consommation.
Le pain vaut 45 centimes le kilogrammes, le vin 70 frs la barrique, la viande 2frs 50 le kilogramme, le beurre 1fr50 la livre et les légumes à l'avenant.
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Vous m'annoncez avoir acheté une petite pièce de terre, j'aurais bien désiré que vous me l'eussiez fait connaître. Je suis désolé que Victor ne veuille pas aller à l'école ; ...
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